Assis à l'ombre, Percy examinait le manuel qui accompagnait une machine d'aspect anodin, assez semblable à un oscillateur de haute fréquence.
— Jetez un coup d'oeil là-dessus, dit-il aux hommes affalés, le regard vide, autour de lui. (Le manuel passa de main en main.)
— Ca pue le Pr Balkani, fit soudain l'un des partisans.
Un promeneur nonchalant fit son apparition. C'était Lincoln. Il se laissa choir à côté de Percy, prit le manuel qu'on lui tendait et le feuilleta.
— A mon avis, dit-il, il vaut mieux ne pas toucher à ce truc-là. S'ils ne s'en sont pas servi pendant la guerre, ils devaient avoir de bonnes raisons pour ça.
— Tel argument valable pour ces fumiers de pervertis ne l'est pas forcément pour nous, fit observer Percy sur un ton farouche.
— Sans doute, sans doute. (Lincoln ôta ses lunettes rafistolées et les brandit avec véhémence.) Pour les autres armes, toutes les autres, je ne dis pas. Ces gadgets nous ont été d'une grande utilité, même s'ils sont un peu terrifiants.
— Terrifiants ? demanda Percy d'une voix où perçait une pointe de défi.
— Ne fais pas l'innocent, Percy. Ces machins sont censés produire des illusions, mais justement, c'est là que les choses se compliquent. As-tu déjà vu une illusion laisser des empreintes ? Ou tuer un homme ?
— Non. et ça ne m'arrivera pas de sitôt!
— Cause toujours. Ecoute, ces armes ont quelque chose de bizarre. Sers-t'en une fois, rien qu'une, et tu ne seras plus jamais le même. Tu commenceras à te poser des questions sur ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas ou sur la vraie et la fausse réalité...
[chapitre 10, p. 122 de l'édition J'Ai Lu]