La dimension politique et sociale

    Toute sa vie, Dick semble avoir été passionné par l'aspect social des relations humaines, par la manière dont l'homme s'organise en société pour résoudre les problèmes auxquels il doit faire face.

    Ceci comporte un aspect politique. La politique est par prédilection le domaine de l'organisation des rapports humains sous tous leurs angles. Elle est, avec la religion, le moteur structurel de la société. La politique façonne la vie, et à ce titre, elle influe sur la réalité de ce que les gens vivent tous les jours. Il est donc normal qu'on la retrouve chez Dick comme le vecteur du modelage subit par le monde qu'il décrit. Mais si on pousse un peu plus loin, on s'aperçoit que la pensée de Dick recèle une quantité de messages, qui sont autant de manière de décoder le monde qui l'entoure. Et donc celui qui nous entoure.

    La première chose à noter, qui concerne aussi bien les nouvelles que les romans, est que cet aspect politique prend quasiment toujors corp dans une société oppressante, pour une raison ou pour une autre. Dick semble avoir été obsédé par les rapports de forces, ou plus précisement par les rapports dominants/dominés. (On peut alors se demander si cette thématique du gouvernement ne subit pas ici l'influence de ses tendances paranoïaques).

    On peut ensuite remarquer la haine tenace que vouait Dick au système et à l'administration Nixon (Lire a cet égard la bio de L.Sutin), qui s'est révélée constante tout au long de sa vie.

    Dans Loterie solaire, l'attribution du gouvernement dépend d'une gigantesque loterie, à laquelle chaque individu de la société participe et peut sortir vainqueur. Mais sous cette apparence d'égalité absolue se cache une volonté politique d'abuser le peuple, et de le maintenir dans la croyance de cette égalité, qui n'est qu'une vaste esbrouffe. Pour Dick, derrière une image d'égalité se cache l'aliénation du peuple et son maintient loin du pouvoir effectif.

    Dans Les Marteaux de Vulcain, c'est Vulcain III, un gigantesque ordinateur, qui dirige un monde où un gouvernement fantoche le nourrit d'information.

    En matière de politique, il faut alors parler de La vérité avant-dernière, roman à mon sens très important de l'oeuvre, et pourtant moyennement considéré : c'est peut-être le meilleur roman de Dick sur le sujet, ou plus précisément celui où on trouve l'analyse la plus fine des rapports dominants/dominés. Au travers d'un jeu complexe entre les personnages, Dick fait le tour de la question des rapports de pouvoir :

• Stanton Browse est le tyran, le dictateur, l'oppresseur absolu
• les Yancees sont les rouages du système d'oppression, parmi lesquels David Lantano, la figure énigmatique, et Joseph Adams, le repenti
• Enfin, les gens du dessous, parmi lesquels Nicholas St-James, qui symbolise la résistance à l'oppression.

    On peut multiplier les exemples à l'envie. Mais c'est avec une très grande justesse que Dick caractérise le politicien arriviste et mesquin, n'ayant pour seul but que le pouvoir personnel et sa conservation, exemple que nous pouvons vérifier sous nos yeux de manière constante.

© Julien Mahoudeau