Roger et Virginia Lindahl se sont rencontrés à Washington en 1944 mais l'ont quitté pour s'installer à Los Angeles : Roger y a ouvert après la guerre un magasin de radio-télévision. En emmenant leur fils de dix ans en pension, ils y rencontrent une autre couple : Liz et Chic Bonner.
     Roger, qui aspire vaguement à autre chose, prétexte souvent de ses responsabilités de commerçant pour s'absenter de son domicile, et est méprisé par sa belle-mère, est attiré par Liz Bonner, une âme simple...

    [Roger est dans son magasin, et...]
    Un bruit attira son attention. Liz Bonner entrait en coup de vent dans le magasin, crevant la porte. Elle plana jusqu'au comptoir et atterrit devant Roger. Dans l'instant elle était là, juste face à lui, à trente centimètres, petite silhouette sombre dans sa longue jupe, mais si éclatante et aux yeux joyeux.
    Les mains de Roger continuèrent leur travail de tri, il était trop saisi pour l'abandonner. Il avait l'impression d'être une mécanique métallique posée sous un dôme de verre. Ses bras s'élevaient puis s'abaissaient, ses doigts choisissaient l'étiquette suivante et passaient le fil dans le trou. Du moins n'était-il pas obligé de prêter attention à ce qu'il faisait, ainsi pouvait-il garder les yeux sur Liz. Il se sentait dans un tel état de perte de contrôle, et si faible, qu'il en venait à se dire : « Heureusement que je suis capable de faire cela ! »
    — J'ai oublié mon sac, déclara Liz.
    Ses couleurs s'étaient avivées, devenues plus intenses ; elle est en train de rougir, constata-t-il. Mais sa jupe et sa chevelure étaient sombres. Ses yeux, agrandis, lui offraient leut teinte café ; ils manifestaient une attente vive, éveillée, comme si elle espérait quelque chose, espérait qu'il allait faire ou dire quelque chose.
    — Oh ? Yeah ? murmura-t-il d'un ton à peine audible. Ici ?
    Elle le regarda d'un air calme, cet air qui lui appartenait, plein de couleur et de charme, comme si elle désirait reveni, c omme si elle disait quantité de choses en cet instant.
    — Je crois bien l'avoir oublié au sous-sol, là où se trouvent tous ces grands téléviseurs.
    — Okay.

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• 10/18 (Domaine Étranger) n° 2420, Union Générale d'Editions, 1993. [trad. Jacques GEORGEL] ISBN: 2-264-01772-4