Ils ont dit de Dick

      D'autres que moi aiment Dick, et ils en parlent mieux que moi... pourquoi ne pas leur laisser la parole...
Sans espoir de retour
       L'époque est glauque. L'époque est au retour de Philip K. Dick. Et l'univers de Philip K. Dick est glauque.[...] Une écriture sèche, sans fioritures, directe et épurée. Naturelle, narrative et vive. Un style de SF anticipatoire, noire et apocalyptique, dénonciatrice, idéaliste et désespérée.[...]  
Marc BERTHON   
in (Le Cahier Samedi du) Nouvel Economiste   
no 922 (26 novembre 1993)   

Je suis une machine
       [...] Équilibriste d'exception, manoeuvrier inspiré, agitateur illuminé, son talent réside dans l'insinuation, la persuasion, le retournement de preuves. Paranoïaque aussi, à ses heures, il sait merveilleusement traduire les soupçons quotidiens qui agitent l'âme humaine, dont la mort est l'inspiratrice. Son génie populaire est d'avoir fait admettre à ses lecteurs que leurs esprits sont dérangés, que les soupapes de sécurité mises en place par la société ne fonctionnent pas comme des horloges suisses, que la science n'est qu'une approche inquiétante de l'infinie complexité de l'univers.[...]  
Philippe CURVAL   
in Le Magazine Littéraire   
no 336 (octobre 1995)   

La famille assiégée
       [...] Cette vie d'équilibre à laquelle Dick aspire se révèle le haut lieu des conflits. En pratiquant le collage surréaliste à la Max Ernst, il introduit une batterie d'éléments explosifs au sein de la cellule familiale avec une jubilation perverse [...]
   [...] Dick s'acharne à démontrer qu'il n'est pas dupe de ses propres constructions délirantes, même si leurs conclusions sont ambiguës à l'extrême. S'il dévoile l'incertitude du champ des possibles [...], s'il joue avec duplicité sur la notion de responsabilité [...], d'humanité [...], sur le concept d'identité [...], sur la validité des textes sacrés [...], sur la justesse des mots [...], c'est de son environnement familier qu'il traite. Par extension, c'est l'apparence de notre monde qu'il maltraite, pas son essence. Son mysticisme inavoué le conduit à espérer fermement que la bonté sauvera l'espèce humaine. [...]
 
Philippe CURVAL   
in Le Magazine Littéraire   
no 340 (février 1996)   

« Porter la contestation dans les banlieues de l'esprit » (entretien)
       [...] Quant à « l'art industriel », l'expression est évidemment empruntée à Flaubert (en particulier L'Education sentimentale, certes) et, selon le contexte, je l'utilise de manières un peu diverses pour désigner premièrement; l'immonde industrie du divertissement, en soi; deuxièmement; la même en tant qu'elle s'est fondue dans le melting-pot de la culture-marchandise et s'y est dégueulassement mélangée avec les beaux-arts du passé et les arts populaires du passé, le résultat d'ensemble méritant d'être appelé « culture » tout court depuis qu'un Malraux a créé des maisons pour cela, et encore d'avantage depuis qu'un Jack Lang (ou n'importe quel sociologue américain ou moldave, ne soyons pas chauvins dans l'exécration) jabote sur cette « culture » qu'il approuve fort de même Homère, Sade et Madonna, etc.; troisièmement; la même en tant que certains individus talentueux et furieux ont choisi de la pratiquer d'une manière contestataire et antisociale (exemples: Dashiell Hammett auteur de polars, George Orwell auteur de romans sociaux et de romans d'anticipation scientifique, Philip K. Dick auteur de spéculative fiction: cette manière de déborder l'ennemi par une aile est comparable au superbe mouvement de la cavalerie de Condé à Rocroi, et mérite autant d'éloges, et plutôt plus).
   Le choix que j'ai fait de pratiquer l'art industriel, i.e. de publier dans l'industrie du divertissement, découle normalement d'une conviction (l'histoire de l'Art est finie) et d'une espérance (ne pourrait-on répéter la hardie manoeuvre de Hammett, Orwell, Dick, et porter la contestation dans les banlieues de l'esprit?).
 
Jean-Patrick MANCHETTE   
in Combo!   
no 8 (automne 1991)   
entretien avec Yannick Bourg. © Jérôme Brézillon.   
cité dans la page consacrée à Manchette sur le défunt (et regretté) site La Rafale   

Courts-circuits dans les cerveaux
       [...] une expérience troublante vous attend : je ne crois pas exagérer en assurant qu'elle changera pour toujours votre perception du monde.
   [...] Dick a fait beaucoup mieux que de la littérature : il a inventé de nouveaux effrois, des vertiges inédits, illustré à la lettre (par) la seule phrase géniale qu'ait écrite le soiffard Charles Bukowski : Le paranoïaque, c'est celui qui à tout compris.
   [...] Tous les romans de Dick halètent, clignotent dans les corridors du cerveau, de plusieurs cerveaux que ses intrigues tordues se chargent de connecter, et décrivent des emprises, des courts-circuits glaçants. Sur la scène de son théâtre cérébral, tous les coups sont permis, rien n'est jamais fiable. L'individu à qui l'on parle, qui a les traits, la voix, les expressions d'un familier, n'est peut-être qu'un simulacre. Tout se retourne, se délite. Est-on certain, au juste d'être vivant (se demandent les héros paniqués d'Ubik?). De n'être pas happé par le cauchemar d'un autre (se demandent ceux du Dieu venu du Centaure)? [...] L'univers de Dick est un immense processus de désagrégation, de substitution, de panique, une déroute sans fin et un compteur Geiger des hantises modernes. Qui l'a lu ne peut plus s'en défaire, ne peut plus éviter, dans telle situation ordinaire, tel menu décalage de perception, d'appliquer la grille effarante que tracent ses romans. [...]
 
Emmanuel CARRÈRE   
in Télérama   
no 1854 (24 juillet 1985)   

Pas caduque, K. Dick
       [...] Le résultat [...] est stupéfiant, et d'une intacte modernité. D'abord parce que Dick [...] laisse libre cours à son imagination, qu'il a fasteuse, extralucide et radicale [...].
   Tout cela n'est pas que pur plaisir spéculatif. Dick ne cesse de fouir les mêmes thèmes : aliénation, racisme, propagande, totalitarisme, et jamais ses questionnements politiques n'ont paru si pertinents, ni la paranoïa diffuse où baigne son oeuvre aussi actuelle. Ce monde qu'il décrit, où se multiplient leurres et clones, où les images sont truquées, les infos falsifiées, le réel de plus en plus irréel, tremblé, inaccessible, que les objets envahissent [...], ce monde-là, gagné par une dickisation galopante, c'est le nôtre!
   Qu'est-ce qui s'est réellement passé au sommet d'Amsterdam ? Y a-t-il ou non du soja transgénique dans mon assiette ? La guerre du Golfe a-t-elle eu lieu ? Ces questions sont en effet très précisément dickiennes.
   Avertissement au lecteur qui n'a jamais approché la constellation K. Dick: attention, cet auteur est addicktif! [...]
 
Jean-Luc PORQUET   
in Le Canard enchaîné   
no 4000 (25 juin 1997)   

L'énigme Dick
       [...] Cette recherche de la réalité dans le monde obsédant et trompeur des simulacres n'est pas seulement caractéristique de l'oeuvre dickienne, dont on sait qu'elle demeure aujourd'hui encore la plus remarquable et la plus influente de la science-fiction américaine contemporaine. Elle est aussi [...] la ligne de force d'une existence chaotique d'écrivain génial mais qui a eu à payer tout au long de sa vie le prix de ce génie, de sa singularité presque extraterrestre.[...]  
J. Ba (Jacques BAUDOU ?)   
in Le Monde des Livres (supplément du Monde)   
(7 juillet 1995)   

« L'oeuvre la plus personnelle de la SF »
       Si Jules Verne et H. G. Wells ont mis en place au début du siècle les conditions d'un nouveau genre littéraire : la science-fiction ; si A. E. Van Vogt, Ray Bradbury et quelques autres se sont assuré, deux générations plus tard, une renommée importante, c'est probablement au romancier de science-fiction américain Philip K. Dick qu'il revient d'avoir écrit l'oeuvre la plus personnelle, dans un domaine où les difficultés psychologiques de l'auteur ont inspiré avec bonheur la thématique et la construction de récits à la facture faussement classique.[...]  
(auteur inconnu)   
in Thésaurus de l'Encyclopaedia Universalis   

Des romans fous, fous, fous
  [...]     Philip K. Dick, génial démon de la SF (pas science-fiction, SVP, « speculative fiction ») fut un Californien typique des Sixties. Rappelez-vous la Californie de ces années-là : à Berkeley, des filles et des garçons à poil sur le gazon (Dick est un prude actif), le pétard et le LSD (Dick marchait plutôt aux amphètes), du rock, pop, folk à foison (Dick rythme ses oeuvres avec Bach ou Pachelbel). Chacun croyait changer la vie, Mr Philip Kindred Dick, lui, se faisait plaquer par ses épouses, et, courtois, leur offrait, en guise de pension alimentaire, les meilleurs rôles dans sa flopée d'univers.
   Des univers déglingués qui, au bout de trente ans, conservent toutes leurs dents. [...] Tous les mondes dickiens sont possibles, voire probables. [...]
 
Jean-Pierre DUFREIGNE   
in L'Express   
no 2193 du 15 juillet 1993   

Des labyrinthes de Philip K. Dick
       Bâtir une oeuvre sur le thème de la désagrégation, lente ou violente, du futur quotidien, c'est ce qu'a entrepris — et réussi - l'Américain Philip K. Dick[...].
Pionnier d'un genre baptisé « spéculative fiction », il a connu le sort réservé généreusement aux pionniers :incompréhension relative dans son pays d'origine [...], engouement ailleurs[...].
   Ce n'est certes pas son optimisme qui a imposé le succès : inutile de chercher des superhéros pourfendeurs de monstres, ou du « space opera » guerrier, dans la trentaine de romans publiés. Drogues psychédéliques et pilules remontantes sont les aliments de base de ses personnages, humbles tâcherons qui se débattent dans leurs mondes pervertis par les erreurs et les guerres passées.
   Que reste-t-il à ces héros perdus dans des univers de survivance ? Des religions bizarres, des inventions inutiles ou nuisibles, des jeux incompréhensibles et hasardeux qui évoquent la loterie à Babylone de Borgès, par leurs efforts dévastateurs sur le classique principe de causalité.
   Dans un domaine malgré tout fidèle à une conception évolutionniste de l'humanité et de la société, Dick dérange. C'est peut-être — combiné à sa réelle puissance d'évocation — la raison principale de sa célébrité.
 
Alexis LECAYE   
in Le Monde   
26 mars 1982   

Pour ne pas oublier Philip K. Dick
       [...] Dick est l'admirable visionnaire de tous les glissements, de tous les trous et torsions de notre paysage mental, le schizo sublime qui sait, derrière, dans les apparences, montrer les labyrinthes et les simulacres. Dans sa « speculative fiction », aucune certitude ne résiste, le temps est multiple, l'individu pluriel ou inexistant, il n'y a de sûre que la spirale qui part du donné pour lentement l'exploser.[...]
   Dick a fait de la science-fiction un voyage initiatique à travers l'illusion, une entreprise de périlleux descellement du sens commun, au carrefour de la découverte poétique et de l'exercice spirituel.[...].
 
Evelyne PIEILLER   
in Le Monde   
30 avril 1982   

Le monde cauchemardesque de Philip K. Dick
       [...] Ce qui frappe le plus dans son oeuvre, c'est la cohérence des thèmes qu'il reprend sans se lasser, d'un roman à l'autre, avec d'infinies variations : le monde est soumis au pouvoir absolu d'un petit nombre d'hommes sans scrupules, qui se sont emparés des leviers de commande par la ruse et détournent l'Etat de ses fonctions normales ; ils préviennent toute vélléité de révolte en créant des apparences trompeuses qui leur permettent de manipuler leurs sujets - car tout est malléable, les êtres humains comme le monde extérieur, qui n'est qu'une construction hallucinatoire ; dans cet univers dominé par les conditionnements, le hasard est la seule planche de salut, parce qu'il crée des situations nouvelles où chacun peut imprimer sa marque personnelle. Cet univers de cauchemar est décrit avec une technique appropriée : récit morcelé, réduit à l'état de marqueterie, pour diluer peu à peu la réalité du monde extérieur ; complication extrême de l'intrigue, où s'accumulent des paradoxes qui donnent le vertige ; climat de terreur obsessionnelle, où lecteurs et personnages se sentent irrémédiablement en proie à un destin malfaisant. L'oeuvre de Dick reflète parfaitement l'Amérique tragique des années 60 et nous rapproche du moment où la science-fiction se confondra avec le reste de la littérature.[...]  
Jacques GOIMARD   
in Le Monde   
1° janvier 1971   

Philip K. Dick, Bouddha californien
       [...] Philip K. Dick décrit les choses telles qu'il les voit, opposant une innocence volontaire mais impitoyable aux gâchis et aux horreurs de l'humanité. Homme de culture, mélangeant les références clairement ou insidieusement, brouillant les cartes, s'investissant par plaisanterie de pouvoirs religieux, il laisse dans la science-fiction une des empreintes les plus profondes, mais aussi l'une des plus floues.[...]  
Benoit CHARPENTIER   
in Le Figaro Littéraire   
9 décembre 1987   

Les terres vierges de l'espace
       [...] Une force d'évocation convaincante, des sous-thèmes hallucinatoires, un goût marqué pour les paradoxes temporels, les armes mêlées de la terreur et de l'humour, viennent se superposer à l'attaque frontale contre l'oppression et la tyrannie, et en redoubler l'effet. D'autant plus forte qu'elle est, au début, presque invisible.[...]  
Pierre KAST
in Le Magazine Littéraire
no 31 (août 1969)


Pourquoi Philip K. Dick est un auteur génial [...]
       [...]à mon sens, là où Dick est extraordinaire, c'est dans sa vérité, son authenticité. D'abord parce qu'il nous livre son angoisse intacte, sans fards, avec une urgence proche de la syncope, sur un mode hallucinatoire qui frise la démence. Ensuite, parce qu'il est touchant, bouleversant, "plus humain que l'humain"... [...] Oui, Dick nous obsède et nous hante, on ne peut que s'en écarter momentanément, on y revient toujours.[...]  
Paul BORRELLI
in fr.rec.arts.sf
le 2 mars 1999.
L'intégralité du texte de Paul est disponible ici.


La quintessence du raconteur d'histoires
       [...] Chez Philip K. DICK, j'ai trouvé un mentor, un maître à penser, la quintessence de l'écrivain, du raconteur d'histoires. [...] Pour moi, c'est toujours réconfortant de lire DICK. Quand je déprime, quand je n'ai plus d'inspiration, quand j'ai l'angoisse de la page blanche, je reprends un bon vieux roman de DICK et je me rends compte qu'on peut faire très simplement des choses très compliquées, qu'on peut écrire des bouquins absolument géniaux avec un vocabulaire de quinze cent mots. Et ça, ça me rassure ! C'est vers celà que j'essaie de tendre, vers toujours plus de simplicité, plus de clarté, plus de clairvoyance. DICK est pour moi un mentor plutôt qu'un maître, car je n'adhère pas totalement à sa paranoïa qui s'est changée en mysticisme sur la fin de ses jours. Cela dit, ses histoires sont admirables, tellement vivantes, proches de la vie qu'on a envie d'essayer d'en faire autant.[...]  
Jean-Marc LIGNY
, à propos de ses influences,
in une interview réalisée à la bibliothèque Saint-Martin à Brest par le comité de lecture de la bibliothèque,
le 27 janvier 1999.
interview consultable sur son site personnel et officiel.


Personne n'approche ça
       [...]Je lis Dick et j'y trouve des choses que je n'ai vu nulle part ailleurs. Le choc a été à ce point fort que, encore maintenant, j'ai du mal à lire autre chose que Dick. Chaque fois que je lis autre chose, je trouve ça mou avec très peu d'idées. Dans un roman moderne normal, on trouve au mieux, trois idées. Chez Dick, on trouve vingt idées par page et personne n'approche ça.[...]  
Bernard WERBER
, sur un site qui n'existe plus (L'Espèce).


      D'autres avis sur Dick (plus américains) sur le site Substance Mort.
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PKDLe ParaDick ...est hébergé par Mis à jour le 03 octobre 2002 à 17h42
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